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Management et responsabilité sociale en Afrique :

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Comment le manager africain peut-il être socialement responsable ?

Parler de management et de responsabilité sociale de nos jours apparait être pour les initiés des sciences de gestion une tautologie. Tant il est trivial d’affirmer que quel que soit le contexte dans lequel le manager exerce, il se doit de créer de la richesse tout en préservant son environnement. Le changement climatique que prouvent les différentes catastrophes naturelles devenues légion dans le monde en ce début du 21ème siècle sont là pour convaincre les plus sceptiques.

Le mot management pour les francophiles est issu du mot ménage avec le sens notamment d’« administration des choses domestiques » ; en sont issus : ménagerie, qui « a d’abord désigné l’administration d’une maison, surtout d’une ferme (1530- 1677)», et ménagement avec, parmi ses sens premiers, « art de bien diriger la maison » ainsi que « bon exercice de l’administration domestique (1587) ». Le verbe manager correspondrait donc à l’art de conduire, de diriger, de manier une chose ou un objet. Le manger africain comme celui du reste du monde est un responsable qui se doit à l’instar d’un chef d’orchestre de maitriser cet art qui consiste à conduire, diriger et manier dans le cas des organisations, les hommes et les processus qui la composent dans l’intérêt de tous.

L’organisation comme personne morale au sens juridique du terme, évolue dans un environnement. Elle est constituée de plusieurs composantes et a pour ambition faire du « profit ». Il faut relever que de ce point de vue, le « profit » n’a pas qu’une connotation économique mais aussi sociale. Derrière ce but, se cache une finalité peut perceptible ; celle de survivre. Qui dit survie, fait allusion à la pérennité. C’est le nouvel enjeu du management des organisations.

La pérennité de l’organisation comme celle de l’espèce humaine est inexorablement induite par la protection de son environnement, ainsi que de ses moyens de production. En préservant son lieu de service et le cadre d’action de l’entreprise, le manager participe non seulement au développement durable, mais, et surtout, garantit une disponibilité en tout temps de ses facteurs de production et/ou de commercialisation. Nonobstant la diversité d’approches managériale, une seule est susceptible de permettre l’aboutissement d’un si beau destin, tant il est vrai qu’elle fédère l’ensemble des approches managériales existantes. Nous l’a qualifierons d’approche globale. Toutefois, elle est deux principales sous approches constituent son socle.

1- L’approche par les parties prenantes ou tout simplement approche « Clients-fournisseur ».

Si certains parle d’approche des parties prenantes, la dénomination d’approche «Clients-Fournisseur » semble la plus appropriée pour parler de responsabilité sociale. Pour réaliser ses objectifs, le manager doit mettre au point des services et/ou produits qui satisfassent l’attente de sa clientèle cible. Le vocable « clients » est donc ici au sens figuré. Il s’agit ici de considérer que toutes les parties prenantes d’une organisation, c’est-à-dire, toute personne qui peut être impactée volontairement ou non par les décisions du manager sont des clients. En tant que tels, ils ont des attentes vis-à-vis du manager. L’une des approches serait donc de considérer les différentes parties prenantes d’une relation d’affaire comme des « clients ».

La responsabilité sociale est un concept dans lequel les organisations intègrent les préoccupations sociales, environnementales, et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes qui peuvent être les actionnaires, le personnel de l’entreprise, les instances représentatives du personnel, l’Etat, les partenaires ou concurrents… A titre d’exemple, on peut citer les salariés qui ont comme attentes vis-à-vis du manager, le bien-être, l’amélioration de leurs conditions de travail et l’Etat qui souhaiterait que les entreprises respectent les lois et règlements qui régissent le droit des affaires et adoptent un comportement dit « citoyen ». Une telle approche managériale est source de bonheur, de bien-être et de prospérité pour l’ensemble de la communauté dans la mesure où, le manager implémente l’altruisme éthique tout en préservant les intérêts de son employeur. Il ne s’agit donc pas de satisfaire les attentes des parties prenantes au détriment de l’intérêt de l’organisation ; mais, de savoir concilier les intérêts égoïstes des parties prenantes en intérêts collectifs. Etre un manager africain socialement responsable, ne voudrait pas dire faire du social, c’est-à-dire, être « homo sociologicus », encore moins, rechercher du profit (« être homo économicus »). Mais c’est d’abord accorder de l’importance aux intérêts de ses semblables, voire plus. C’est aussi respecter les lois de la nature comme le faisaient nos ancêtres. Cela passe non seulement par l’amour du prochain, mais aussi par le respect de toute forme de vie à l’intérieur et tout autour de son « biotope ». Être un manager africain socialement responsable en donc aussi-

2- Implémenter une approche contingente du management

Cette vision se caractérise par une agilité managériale qui consiste à « camélioniser » son style de management en l’adaptant à son environnement. En d’autres termes, le manager doit intérioriser les variables intrinsèques au contexte africain malgré l’influence de la mondialisation économique. Il s’agit pour ce dernier de puiser dans la sociologie et l’anthropologie  et la cosmogonie africaines de l’échange social. Contrairement à la culture occidentale qui est individualiste, celle de l’Afrique est collectiviste. D’ailleurs, un célèbre proverbe africain stipule : « une seule main ne peut attacher un paquet ».

Bien que les résultats des recherches des pratiques de sorcellerie comme source de performance des entreprises africaines soient mitigées, il n’en demeure pas moins que la cosmogonie africaine ne soit pas uniforme. Le manager exerçant dans un pays africain ne peut que se conformer à l’éthique nationale ou régionale du lieu où il effectue ses activités. Les caractéristiques structurelles, géographiques, économiques… sont contingentes, diverses et variées. Il serait alors aberrant de transposer le contenu de la « responsabilité sociale » du Sud Cameroun à la région du Nord Cameroun compte tenu des divergentes culturelles. Hors de nos frontières, on peut citer l’interdiction des rapports sexuels entre personnes libres pendant la Coupe du Monde au Qatar. Pour ce cas par exemple, les managers de structures hôtelières et des entreprises de voyage qui feront la ligne Cameroun-Qatar, ont l’obligation de sensibiliser leur clientèle sur cette disposition réglementaire afin que ces derniers ne soient pris en flagrant délit de dépravation de mœurs. C’est donc aussi respecter et tenir compte des mœurs et principes des autres (« La liberté de l’un s’arrête là où commence seule de l’autre »).

En résumé, un manager africain pour être socialement responsable, se doit de prendre en compte deux aspects sociologiques de son environnement. S’il y a des valeurs supérieures et inférieures, les premières semblent être universelles comme l’amour du prochain et le respect de toute forme de vie. Ces valeurs sont intrinsèques à nos cultures africaines. Un retour aux sources de nos cultures garantirait au manager africain des prédispositions cardinales indispensables à l’adoption d’un comportement socialement responsable. Il est urgent pour ce dernier de s’abreuver aux sources ancestrales tout tant respectant les autres êtres vivants. En une seule phrase, être un manager africain socialement responsable c’est respecter toute forme de vie terrestre (humaine, animale, végétale, etc.).

Par Dr Joseph Olivier Bakiti ba Mbog Binyet, Enseignant Chercheur, Université de Douala

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